Cet article a été initialement publié dans le magazine Le Monde Juridique. Il a été reproduit avec l’autorisation de l’auteur.
En matière de fraude, tous les individus et les organisations sont susceptibles d’en être victimes et les organismes à but non lucratif (OBNL) ne font pas exception. Selon les rapports de l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) sur la fraude en milieu de travail entre 2016 et 2024, les OBNL représentaient environ 9 % à 10 % des cas de fraude signalés, entraînant une perte médiane de 60 000 $ US à 100 000 $ US.
Ces sommes représentent une perte importante pour toute organisation, et plus particulièrement pour un organisme à but non lucratif. De plus, il est probable que ces montants soient sous-estimés, étant donné que de nombreux cas de fraude peuvent être traités à l’interne par une organisation et ne jamais être signalés. Cela peut être dû aux craintes que la réputation de l’organisation soit affectée négativement, ce qui se traduirait par un soutien moindre de la part des gouvernements, des donateurs privés et des bénévoles.
En quoi est-ce important?
Les OBNL se concentrent sur l’accomplissement de leur mission, s’appuyant souvent sur des bénévoles ou des employés à temps partiel. Compte tenu de leur structure organisationnelle, de nombreux OBNL ne disposent pas de contrôles antifraude internes appropriés. La direction, les membres du conseil d’administration et d’autres employés peuvent manquer ou avoir des connaissances réduites en comptabilité et en information financière. De plus, il peut y avoir des rentrées de fonds importantes (p. ex., des dons) et un niveau de confiance de base entre la direction et les bénévoles, associés à un manque de séparation des tâches. Ces caractéristiques peuvent rendre les OBNL plus vulnérables à la fraude interne et/ou externe. Lorsque des fraudes sont rendues publiques, cela peut être préjudiciable à l’OBNL tant du point de vue financier que réputationnel. Pour éviter ces situations, les OBNL doivent connaître les méthodes permettant de prévenir et détecter la fraude.
À quoi faut-il faire attention?
Fraude par écrémage (skimming)
L’écrémage se produit lorsque de l’argent liquide est volé avant qu’il ne soit enregistré dans le système comptable d’une organisation (livres et registres). Les chèques et les paiements par carte de crédit peuvent également être visés par les techniques d’écrémage. Étant donné que de nombreux OBNL reçoivent des dons en espèces ou traitent de l’argent comptant lors d’évènements, il est important d’être conscient de ce type de fraude.
Fraude dans les achats et dépenses
Les employés ou les bénévoles peuvent faire des achats non approuvés ou utiliser les cartes de crédit de l’organisation pour couvrir leurs dépenses personnelles. Les OBNL doivent souvent acheter des articles de façon sporadique pour des évènements ou des collectes de fonds, ce qui peut entraîner un manque d’historique d’achat cohérent sur lequel le personnel comptable peut s’appuyer lors de la révision ou l’approbation des achats.
Fraude en matière d’information financière
La fraude dans les états financiers peut inclure une surestimation ou sous-estimation du revenu net/valeur nette, des revenus (contributions), du passif/actif ou des dépenses (dons). Pour les OBNL, cela peut impliquer de mal déclarer l’utilisation des fonds reçus par peur de recevoir moins de financement dans les années à venir.
Prochaines étapes
Soyez proactifs! Selon le Report to the Nations 2022 réalisé par l’ACFE, 87 % des OBNL ont modifié leurs contrôles antifraude à la suite d’une fraude. En 2024, l’ACFE a constaté que 82 % de toutes les entreprises et organisations victimes de fraude ont modifié leurs contrôles antifraude. Ces statistiques indiquent que les OBNL n’avaient peut-être pas mis en place des contrôles antifraude de prévention et de détection adéquats dès le départ. Les membres du conseil d’administration ou de la direction devraient réévaluer ou obtenir une assistance appropriée pour développer davantage les contrôles antifraude en place au sein de l’OBNL. Un juricomptable peut effectuer une évaluation des risques de fraude et aider l’OBNL à identifier les domaines dans lesquels elle pourrait être plus vulnérable à la fraude. Se concentrer dès le départ sur les risques de fraude aidera l’OBNL à prévenir et détecter la fraude et, en fin de compte, contribuera à sa capacité à réaliser sa mission.
Outre la mise en œuvre de contrôles antifraude appropriés, il ne faut pas sous-estimer l’importance de la sensibilisation et de la formation à la fraude. Les employés sont souvent la première ligne de défense contre la fraude, mais un manque de sensibilisation peut rendre une organisation vulnérable. Selon le Report to the Nations 2024 réalisé par l’ACFE, moins de 55 % des cadres, des dirigeants et des employés ont reçu une formation. Le manque de formation se traduit également par une durée médiane beaucoup plus longue avant que la fraude ne soit découverte.