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Comptabilisation des revenus : la fraude financière et les états financiers – partie 3

Comptabilisation des revenus : la fraude financière et les états financiers – partie 3

Résumé
4 minutes de lecture

Voici un article portant sur la fraude financière des états financiers, 3e partie, publié dans Le Monde juridique, écrit par Corey Bloom, associée et leader en juricomptabilité et Gabrielle Schmidt, analyste.

Tel que mentionné dans nos deux premières chroniques sur le sujet, l’objectif des fraudes dans les états financiers (FDLEF) est habituellement de cacher certains aspects de la réalité financière des entreprises. L’une des façons de faire les plus courantes consiste à « jouer » avec la comptabilisation des transactions. Que faut-il savoir afin d’être à l’aise avec l’information financière qui nous est transmise ?

Exemples de techniques de comptabilisation utilisées dans les FDLEF

Les utilisateurs des états financiers doivent être conscients des différentes zones grises présentes dans les états financiers. Lors de leur analyse, certains éléments peuvent nécessiter une attention supplémentaire. Voici des exemples d‘éléments qui nécessitent de faire l’objet d’un examen rigoureux.

L’un des moyens qui peuvent servir à biaiser la représentation des résultats consiste à comptabiliser des revenus dans la mauvaise période. Cette technique donne lieu à une différence temporelle (de l’anglais « timing difference ») qui permet de devancer ou de reporter les revenus d’une période à une autre. Cela dit, le malfaiteur aspire à montrer de faux bénéfices dans une période désirée. De prime abord, on pourrait croire que ce stratagème n’est pas si dommageable puisqu’il ne s’agit que d’une différence temporelle dans le temps. Or, les conséquences peuvent être énormes pour les utilisateurs des états financiers qui se basent, directement ou indirectement, sur le revenu et/ou le bénéfice d’une certaine période pour prendre une décision.

Un autre exemple de mauvaise comptabilisation des revenus est le bourrage de canaux (aussi connu sous le nom de « channel stuffing »). Cette technique consiste à vendre plus de marchandise aux détaillants ou aux distributeurs qu’ils ne sont capables de vendre ou d’absorber normalement, entre autres à l’aide de conditions plus avantageuses comme des rabais significatifs ou une prolongation des délais de paiement. Cela faisant, la compagnie peut gonfler artificiellement ses ventes pour une certaine période. Ce stratagème est utilisé typiquement en fin de période ou d’année afin que la compagnie ou même un vendeur atteigne ses cibles. Le bourrage des canaux se traduit ainsi par une comptabilisation trompeuse de revenus. Le bourrage de canaux est souvent considéré frauduleux lorsqu’il a pour effet de présenter une image trompeuse des ventes ou de la santé financière d’une entreprise.

Un exemple bien connu de comptabilisation frauduleuse des revenus et de channel stuffing est celui de Valeant Pharmaceuticals (maintenant connu sous le nom de Bausch Health). Cette entreprise a utilisé diverses malversations comptables dont le channel stuffing de 58 millions de ventes de produits pharmaceutiques à une entreprise de pharmacie par correspondance. Le tout a résulté en une pénalité de plus de 45 millions de dollars américains imposée par la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) à l’entreprise. Trois anciens dirigeants, soit le PDG, le directeur des finances et le contrôleur, ont également dû payer des amendes pour régler les charges contre eux. 

Qui commet ce type de stratagème et pourquoi ?

Tel qu’expliqué précédemment, plusieurs facteurs favorisent le recours à un tel stratagème et particulièrement en fin de période ou d’année si certains résultats n’ont pas été atteints, notamment pour :

  • Respecter les engagements d’un prêt de la banque (c.-à-d. ratios obligatoires)
  • Attirer de nouveaux investisseurs
  • Obtenir un prix de vente plus élevé 

Ce type de stratagème peut également être effectué par des vendeurs afin d’atteindre leurs objectifs de vente et/ou d’obtenir une commission plus élevée.

Certaines industries sont plus à risque de channel stuffing, pensons notamment aux compagnies de l’automobile ou aux compagnies pharmaceutiques. Globalement, les compagnies ayant de l’inventaire significatif sont plus à risque de ce type de FDLEF.

Comment le détecter ?

Ce stratagème peut être basé sur l’espoir que la prochaine période sera meilleure. Or, la comptabilisation prématurée des revenus fait en sorte que l’atteinte des objectifs futurs sera plus difficile et augmente les chances que le cycle se répète avec fraudes comptables additionnelles pour camoufler le bourrage de canaux.

Cette pratique trompeuse est difficile à détecter sans lanceur d’alerte et une révision juricomptable.  Cela suggère ainsi que le bourrage de canaux est peut-être plus répandu qu'on ne le croit. Tous peuvent jouer un rôle en demeurant vigilants, surtout face aux transactions enregistrées en fin de période, transactions significatives, inhabituelles ou trop complexes.

Les utilisateurs des états financiers se doivent d’être sceptiques et de remettre en question la croissance des ventes et certains ratios. Notamment, il faut poser des questions et demander des explications sur les conditions de vente et le moment de livraison.

Voici quelques indicateurs d’une comptabilisation précoce ou inappropriée des revenus :

  • Changement dans les principes comptables : à titre d’exemple, un changement en fin de période dans les conditions de crédit accordé afin d’atteindre un objectif de vente peut indiquer la présence de bourrage des canaux.
  • Croissance rapide du revenu ou rendement inhabituel par rapport aux années précédentes : une comptabilisation précoce des revenus et le bourrage de canaux entraînent souvent le vieillissement des comptes clients et/ou un volume plus élevé de retours de produits.
  • Diminution significative du coût des ventes comparé aux ventes : si le coût des ventes est inférieur aux ventes, l’analyse de la croissance de la marge brute par rapport à l’industrie peut être utile ; une performance supérieure au marché peut révéler la présence de bourrage de canaux.
  • Croissance inhabituelle du ratio de recouvrement des comptes à recevoir : si la croissance des comptes à recevoir d’une compagnie est plus rapide que celle des ventes, la « qualité des ventes » a lieu d’être questionnée. L’analyse de la croissance de ce ratio peut favoriser la détection de termes de paiement plus favorables pour certains types de clients par exemple.

FDLEF versus choix de comptabilisation

La comptabilisation des revenus comporte des difficultés d’application en raison de nombreux critères de comptabilisation et l’application des critères provenant des normes comptables. Néanmoins, les principes de comptabilisation des revenus ont été standardisés au fil des années. Il faut retenir que nous ne sommes pas nécessairement en présence de fraudes lorsque la comptabilisation de certaines transactions semble problématique ; il faut qu’il y ait une intention de tromper l’utilisateur des états financiers. Rappelons ici la motivation qui est souvent reliée à la pression sur les dirigeants pour montrer des bénéfices et sur les vendeurs pour atteindre les cibles de vente. Les entreprises devraient viser un équilibre entre gain à court terme et à long terme, réviser leur plan d'incitation à la vente, leurs politiques de retour, etc.

En cas de doute ou soupçons sur des états financiers qui vous ont été soumis, il est primordial de vous entourer d’une équipe qualifiée et expérimentée qui comprendra un juricomptable. Ne manquez pas la suite de cet article dans une future parution du Monde Juridique.

Contactez-nous

Gabrielle Schmidt, CPA, CGA
MNP, Analyste, Juricomptabilité, Enquête et soutien en cas de litige
[email protected]
438.469.4746

Corey Anne Bloom, FCPA, FCA, CA•EJC (CA•IFA), CFF, CFE, Membre émérite de l’ACFE
MNP, Associée et Leader pour l’Est du Canada, Juricomptabilité, Enquête et soutien en cas de litige
[email protected]
514.228.7863

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