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Projet de loi S-211 : Quelles leçons en tirer pour les entreprises canadiennes?

Projet de loi S-211 : Quelles leçons en tirer pour les entreprises canadiennes?

Résumé
7 minutes de lecture

La nouvelle Loi impose des obligations strictes de déclaration aux entreprises canadiennes dans le but de réduire le risque de recours au travail des enfants et au travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement. Les entités visées étaient tenues de produire leur premier rapport annuel avant le 31 mai 2024, et il est important de comprendre :

  • qui a fait rapport en 2024
  • les leçons tirées de cette première expérience
  • l’exemple à suivre pour l’année prochaine

Mettre en pratique les leçons apprises de la première période de déclaration vous aidera à respecter les exigences législatives et à réduire le risque de recours au travail des enfants ou au travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement.

Le projet de loi S-211, devenu la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, a pris effet le 1er janvier 2024. La nouvelle Loi oblige les entreprises canadiennes à faire rapport sur les mesures qu’elles ont prises afin de réduire le recours au travail des enfants et au travail forcé. Les entités visées devaient déposer leur premier rapport au plus tard le 31 mai 2024. Quelles sont les leçons à tirer de cette première expérience et comment peut-on veiller à la conformité de votre entreprise l’année prochaine?

Dès la première période de déclaration, la Loi a eu une incidence marquée sur la façon dont les entreprises canadiennes interagissent avec leurs chaînes d’approvisionnement et a contribué à sensibiliser la population aux enjeux mondiaux du travail des enfants et du travail forcé. Elle a également rappelé aux organisations qu’elles ont le devoir de prévenir ces pratiques abusives et de contribuer à leur élimination, conformément au pilier « S » ou « social » des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Voyons ce que nous avons appris de cette première déclaration et comment vous pouvez assurer la conformité de votre entreprise pour les années à venir.

Qui a fait rapport?

Environ 4 000 entreprises ont déposé un premier rapport pour la date limite du 31 mai 2024. Ce faible nombre est attribuable à plusieurs facteurs, notamment le peu de temps dont elles disposaient à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi le 1er janvier 2024. En outre, de nombreuses entreprises ont été prises de court : plusieurs ont eu du mal à comprendre et à suivre les directives fournies et ne savaient pas exactement quels renseignements elles devaient fournir à l’approche de la date limite.

Qui plus est, la question des facteurs ESG a été fortement politisée. Bien que l’opposition aux initiatives ESG soit principalement concentrée aux États-Unis, un grand nombre d’entreprises canadiennes n’y voyaient pas de valeur ajoutée et croyaient qu’elles entraîneraient une hausse des coûts, exacerbant davantage l’inflation. Ces préoccupations pourraient avoir amené certaines d’entre elles à retarder la préparation de leur rapport.

Certains dirigeants croyaient peut-être que la Loi ne serait pas appliquée ou que la date limite de déclaration serait repoussée. Ces suppositions les ont amenés à se précipiter pour présenter leur rapport au cours de la dernière semaine de la période, lorsqu’ils ont réalisé que le gouvernement fédéral maintenait sa position. Plusieurs entités continuent de soumettre des rapports à ce jour, bien après la date limite de dépôt réglementaire.

Malgré le faible nombre de rapports produits, aucune amende n’a encore été imposée aux entreprises qui ont omis de se conformer à cette exigence. L’objectif actuel est de sensibiliser les entités visées aux enjeux mondiaux du travail des enfants et du travail forcé ainsi qu’aux mesures qu’elles doivent prendre pour empêcher leur intrusion dans les chaînes d’approvisionnement. Une application plus stricte est prévue pour l’année prochaine, puisque d’autres mesures législatives seront introduites ou mises à jour. 

Qu’avons-nous appris de cette première expérience?

La Loi exige que les entités visées produisent un rapport de conformité au plus tard le 31 mai de chaque année. Elles doivent y faire état des mesures prises au cours de leur dernier exercice pour prévenir et réduire les risques liés au travail des enfants et au travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement.

Le rapport annuel doit porter sur les quatre éléments suivants :

  1. Structure, activités et chaîne d’approvisionnement– Description de l’entreprise, de ses activités, de ses filiales et des mesures qu’elle a prises pour remédier à tout recours au travail des enfants ou au travail forcé ainsi qu’aux pertes de revenus des familles les plus vulnérables engendrées par ces mesures.
  2. Politiques et cadre de diligence raisonnable– Analyse des politiques et procédures en place pour la formation du personnel et l’intégration des fournisseurs afin de réduire le risque de recours au travail des enfants ou au travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement.
  3. Évaluation du risque– Analyse du cadre d’approvisionnement et examen des pratiques actuelles en les comparant à des indices de risque afin de relever les risques inhérents. L’évaluation doit également faire état de la manière dont l’entreprise évalue l’efficacité des mesures qu’elle a prises pour empêcher le recours au travail des enfants ou au travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement.
  4. La formation du personnel– Renseignements sur la formation donnée aux membres du personnel pour les conscientiser à la problématique du travail des enfants et du travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement et les aider à repérer et à réduire ces risques.

Nos conseillers ont aidé de nombreuses entreprises à se conformer à la nouvelle Loi et ont remarqué un changement d’attitude chez leurs clients, à mesure que ces derniers arrivaient à mieux comprendre les répercussions du recours au travail des enfants et du travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement. Bien qu’ils sont nombreux à avoir initialement accepté de remplir les formulaires dans l’unique but d’être conformes, les dirigeants considèrent maintenant la préparation de ce rapport comme un exercice précieux pour les aider à lutter contre l’exploitation des populations vulnérables.

Quel est l’exemple à suivre pour l’année prochaine?

La Loi vise à encourager les entreprises à porter un regard critique sur la provenance de leurs marchandises, les fournisseurs avec qui elles font affaire et les risques qui existent dans leurs chaînes d’approvisionnement. Bien qu’il n’existe aucune obligation à pallier la moindre lacune et à éliminer tous les risques de votre chaîne d’approvisionnement, on peut s’attendre à une application plus stricte pour l’année prochaine. La meilleure façon de vous y préparer est de prendre les bonnes mesures dès aujourd’hui.

Nos conseillers ont mis à profit leur expérience de l’accompagnement des entreprises pour formuler les recommandations suivantes. Ces bonnes pratiques peuvent vous aider à corriger plusieurs lacunes courantes et à adapter les activités de votre entreprise dans le respect de la Loi :

  1. Revisitez vos politiques et vos procédures de diligence raisonnable
  2. Nos conseillers ont constaté que de nombreuses entreprises gagneraient à revoir leurs politiques et leurs procédures de diligence raisonnable pour atténuer les risques du recours au travail des enfants et au travail forcé. Par exemple, elles peuvent mettre à jour leurs politiques actuelles en y ajoutant un libellé qui interdit le recours aux pratiques de travail abusives. Ces modifications doivent également se refléter dans les contrats qu’elles concluent avec les fournisseurs et dans les politiques qui régissent leurs relations.

    Une autre pratique recommandée consiste à concevoir un questionnaire à l’intention des fournisseurs. Cet outil peut être utilisé dans le cadre de l’intégration des fournisseurs afin d’évaluer si leurs activités présentent des risques de recours au travail des enfants ou au travail forcé et obtenir des renseignements sur les biens achetés.

    Bien qu’une évaluation de vos fournisseurs directs soit un bon point de départ, elle n’est pas suffisante en soi. Posez-leur des questions sur leurs politiques, sur la manière dont ils intègrent leurs propres fournisseurs et sur la provenance de leurs marchandises. Vous serez ainsi mieux outillé pour atténuer davantage le risque de recours au travail des enfants ou au travail forcé dans votre chaîne d’approvisionnement. 

  3. Évaluez les risques
  4. La Loi exige que les entités visées réalisent une évaluation des risques liés au travail des enfants et au travail forcé afin de comprendre l’incidence qu’ils peuvent avoir sur leur chaîne d’approvisionnement et leurs activités. Pour y arriver, votre entreprise doit examiner la nature et la provenance des marchandises qu’elle se procure pour soutenir ses activités. Par exemple, les indices de risque montrent que le travail des enfants et le travail forcé sont répandus dans les chaînes d’approvisionnement des produits à base de crevettes ou de corégone. Une entreprise qui achète ces produits s’expose ainsi à un risque plus élevé.

    Nos conseillers ont observé que les dirigeants étaient nombreux à s’être buté à des difficultés lors de la préparation de leur rapport, en raison de la nature complexe de la tâche ainsi que de la recherche exhaustive nécessaire pour comprendre quels biens et quels pays présentent des risques et où ils se situent dans la chaîne d’approvisionnement. Toutefois, les résultats de l’évaluation des risques leur ont permis de repérer les secteurs où exercer une diligence raisonnable accrue et effectuer un suivi plus rigoureux des fournisseurs. Les mécanismes et les outils utilisés pour réduire les risques devront être présentés dans le rapport de conformité de l’année prochaine.

  5. Formez vos effectifs
  6. La formation des effectifs fait partie des obligations prévues par la Loi. Cependant, lors des étapes de préparation de rapports, nos conseillers ont relevé des lacunes dans les formations que les clients offrent à leurs équipes. Ce n’est pas surprenant, compte tenu du fait qu’il s’agit d’une nouvelle loi au Canada et que, historiquement, ces enjeux n’étaient pas considérés comme des besoins de formation par les entreprises.

    Les programmes de formation contribuent à informer le personnel des exigences de la Loi et de la prévalence mondiale du travail des enfants et du travail forcé. Ils témoignent également de la politique de tolérance zéro de votre entreprise sur le plan des pratiques de travail abusives dans le cadre de ses activités et dans l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement. Tous les membres du personnel doivent être conscients du rôle qu’ils jouent dans la lutte contre le travail des enfants et le travail forcé et doivent contribuer à atténuer ces risques dans toutes les activités de l’entreprise, y compris les relations avec les fournisseurs.

    Offrez-leur une formation sur la manière d’intégrer les fournisseurs et d’interagir avec eux, et apprenez-leur à repérer les risques liés au travail des enfants et au travail forcé. Si vous avez mis en place de nouveaux mécanismes pour évaluer et surveiller vos relations avec les fournisseurs, assurez-vous que vos programmes de formation couvrent la façon d’utiliser ces outils. Fournir une formation adéquate à votre personnel est essentiel pour vous conformer à la Loi et réduire le risque de recours au travail des enfants ou au travail forcé dans votre chaîne d’approvisionnement.

  7. Préparez-vous à une vérification et restez à l’affût des changements législatifs à venir
  8. On prévoit une application plus stricte de la Loi à l’avenir. Votre entreprise est peut-être en train d’élaborer de nouveaux processus, de mettre à jour ses politiques ou de perfectionner son programme pour se conformer aux nouvelles exigences. Nos conseillers ont toutefois constaté qu’il est fréquent que ces changements ne soient pas mis en œuvre dans leur intégralité, ce qui est pourtant essentiel pour assurer la réussite de la démarche.

    L’application systématique de ces mesures peut vous aider à évaluer si votre stratégie fonctionne de manière efficace. Elle peut également contribuer à garantir que ces changements constituent une défense valable dans l’éventualité où un audit indépendant du rapport annuel serait exigé, à mesure que les mesures d’application sont renforcées dans les années à venir.

    Le gouvernement fédéral avait indiqué que des mises à jour sur la Loi seraient annoncées au cours de l’été 2024. Bien qu’aucune précision n’ait été fournie quant à la nature des nouveautés, on peut s’attendre à une application plus stricte de la législation, à l’introduction de nouveaux domaines d’application ainsi qu’à d’autres facteurs qui pourraient avoir une incidence importante sur votre entreprise.

    Si vous êtes une entité visée par la nouvelle Loi, n’oubliez pas de surveiller l’évolution de ces mises à jour pour rester au fait de tout changement réglementaire. Vous pourrez ainsi prendre les bonnes mesures pour être conforme au moment de produire votre prochain rapport annuel pour le 31 mai 2025.

Votre entreprise est-elle prête à répondre aux exigences de la nouvelle Loi?

Le travail des enfants et le travail forcé sont des problèmes grandissants à l’échelle mondiale, et vous avez la responsabilité de veiller à ce que tous les membres de votre entreprise participent activement à son exclusion de la chaîne d’approvisionnement. L’Organisation internationale du Travail estime qu’environ 28 millions de personnes dans le monde vivent dans des conditions de travail forcé. L’adoption de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement marque une étape importante pour conscientiser la population et éradiquer les pratiques abusives dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises canadiennes.

Garder à l’esprit les leçons tirées de la première période de déclaration et mettre en œuvre des pratiques exemplaires au sein de votre entreprise vous aideront à vous conformer aux exigences législatives et à contribuer à la lutte contre le travail des enfants et le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement.

Si vous avez besoin d’aide pour mieux comprendre vos obligations de déclaration en vertu de la Loi ou pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Héloïse Bédard. Notre groupe ESG peut également aider votre entreprise à mettre sur pied des programmes de formation personnalisés ou à réaliser une évaluation complète des risques liés à votre chaîne d’approvisionnement.

Héloïse Bédard MSc, CIA, CRMA, CGAP, PMP

Associée

438-469-4724

1-888-861-9724

[email protected]

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