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Communication sur les facteurs ESG : vraies fausses infos et panne de confiance dans le monde de la durabilité

Communication sur les facteurs ESG : vraies fausses infos et panne de confiance dans le monde de la durabilité

Résumé
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À l’heure où la pression s’accroît pour réclamer une plus grande transparence quant aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, il devient plus difficile – mais aussi plus important que jamais – pour les entreprises de démontrer des avancées réelles et significatives dans ces domaines.

Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent plus se permettre de garder le silence sur leurs résultats environnementaux, sociaux et de gouvernance. Voici pourquoi.

La pression croissante exercée par les investisseurs institutionnels et particuliers, la clientèle et les employés pousse les entreprises à placer la barre toujours plus haut quant à la communication de l’information environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Les organisations qui choisiraient de faire la sourde oreille s’exposent à des risques de plus en plus lourds (amendes, perte de contrats, difficultés à obtenir du financement, hausse des taux d’intérêt, démissions en cascade…).

Mais un sujet préoccupe plus particulièrement les parties prenantes et les chefs d’entreprise soucieux des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance : l’écoblanchiment. Cette pratique est le fait d’organisations peu scrupuleuses qui n’hésitent pas à exagérer le caractère écoresponsable de leurs politiques et de leurs produits pour soigner leur image.

Les contrecoups de l’écoblanchiment

Selon une étude réalisée en 2021 par Schroders, une société gérant près de 1 000 milliards de dollars d’actifs, 4 investisseurs institutionnels sur 5 estiment qu’il a été difficile d’effectuer un placement durable durant l’année écoulée. Pour environ 60 % des répondants, c’est l’écoblanchiment qui a constitué le principal frein à leur projet.

Ce procédé mensonger sape non seulement la confiance des investisseurs envers l’entreprise indélicate, mais jette aussi le discrédit sur l’ensemble des acteurs du marché. En raison de la malhonnêteté de quelques-uns, c’est souvent l’image de tous les autres qui se trouve entachée.

Le très attendu rapport spécial du Baromètre de confiance publié par Edelman, un cabinet-conseil américain en relations publiques et en marketing, témoigne également de la défiance grandissante des investisseurs institutionnels envers les entreprises. Dans le cadre de sa dernière étude menée durant l’été 2021, Edelman a interrogé 700 de ces investisseurs dans 7 marchés, dont le Canada. De tous les participants à l’échelle mondiale, 88 % affirment qu’ils examinent les facteurs ESG avec autant de soin que les critères opérationnels et financiers. Pourtant, 82 % d’entre eux – et 77 % au Canada – croient que les entreprises exagèrent souvent leurs progrès en matière d’ESG lors de la publication de leurs résultats.

En outre, 72 % des investisseurs dans le monde ne pensent pas que les entreprises respecteront leurs engagements relativement aux facteurs ESG. En fait, 84 % des répondants se disent même à l’affût de leurs échecs potentiels. Ce sont les investisseurs américains qui remportent la palme du scepticisme. En effet, bon nombre se montrent dubitatifs quant aux promesses et objectifs affichés par les entreprises portant sur la diversité et l’inclusion (53 %), la gestion des risques climatiques (52 %) et l’émission de gaz à effet de serre (46 %).

Cette vague d’incrédulité envers les entreprises ne concerne pas uniquement les enjeux environnementaux puisque 41 % des investisseurs déclarent s’inquiéter de la réponse des organisations en cas d’accusations de conduite non éthique. De plus, la responsabilité des entreprises quant à la communication des risques constitue une source de préoccupation pour 42 % des sondés. Les répondants affirment également se soucier des écarts de salaire entre cadres et employés (40 %) et des questions de santé et sécurité du personnel (38 %). Une controverse médiatique sur l’un de ces sujets pourrait effectivement venir compliquer un peu plus le recrutement de nouveaux talents, dans un marché du travail déjà tendu.

Le coût de l’inaction

De nombreuses entreprises attendent encore l’intervention des pouvoirs publics avant d’agir. Elles estiment en effet qu’il convient de minimiser les coûts liés aux enjeux ESG et de maximiser la rentabilité, dans l’intérêt à court terme de leurs actionnaires. Souvent, les organisations récalcitrantes justifient aussi leur position par l’absence de normes cohérentes pour mesurer leurs résultats ESG.

Bon gré mal gré, la divulgation obligatoire deviendra sous peu une réalité pour les grandes et moyennes entreprises. Le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité a d’ores et déjà publié deux avant-projets décrivant certaines des données que les organisations devront communiquer dans un avenir proche. Au Canada, des normes officielles sont attendues en 2022. À bien des égards, la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) a cristallisé l’attention sur le secteur privé et accéléré la prise de conscience quant à la portée des enjeux ESG.

Aux prises avec des parties prenantes de plus en plus sensibles à ces questions, les sociétés ouvertes devront se mettre elles aussi au diapason, au risque de payer les pots cassés. De grosses sommes d’argent sont en jeu. En effet, selon le rapport de la Global Sustainable Investment Alliance paru en juillet 2021, les actifs sous gestion en investissement durable atteignaient au début de l’année 2020[1] 35 300 milliards de dollars dans le monde. Ce chiffre a d’ailleurs connu une hausse de 15 % depuis 2018.

D’après le baromètre Edelman, cette dynamique nouvelle est plus qu’un simple feu de paille. Le rapport révèle en effet que 92 % des investisseurs institutionnels considèrent qu’une « entreprise présentant de bons résultats ESG mérite une valorisation supérieure au prix de son action ». Par ailleurs, 90 % pensent que les organisations qui « donnent la priorité à l’intégration des facteurs ESG offrent de meilleures chances de rendement à long terme que les autres ». 

Quoi qu’il en soit, les organismes de réglementation ont le pouvoir de sanctionner les entreprises qui rechignent à adopter un plan de lutte contre le changement climatique et à s’y conformer. Le Bureau du surintendant des institutions financières, chargé de la réglementation bancaire au Canada, envisage par exemple des mesures plus coercitives. Il prévoit effectivement d’obliger les banques à accroître le montant de leurs capitaux en réserve si elles ne peuvent justifier d’une stratégie de lutte adaptée contre les risques financiers induits par les changements climatiques. Les établissements concernés disposeraient alors de moins d’argent pour se développer et pour verser des dividendes à leurs actionnaires. 

De surcroît, 87 % des investisseurs jugent que les entreprises qui ne tiennent pas leurs engagements en matière d’ESG sont plus exposées à des poursuites judiciaires. À ce moment même, certaines organisations, soupçonnées par exemple d’écoblanchiment sont visées par des procès.

Des actions collectives distinctes ont notamment été engagées en décembre contre Cover Girl Cosmetics, sa société mère Coty inc., et Shiseido Americas Corporation. Les plaignants accusent ces sociétés de promouvoir une image sécuritaire et écologique de leurs produits, en dépit de la présence supposée dans certains de leurs cosmétiques de substances per- et polyfluoroalkylées. Selon l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis, ces composés chimiques de synthèse constituent en effet un danger pour la santé humaine et animale.

Un immobilisme de moins en moins justifiable

Le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité a décidé d’adopter une ligne claire en matière de communication d’information. En fusionnant avec le Climate Disclosure Standards Board (CDSB) et la Value Reporting Foundation (VRF), il a fait le choix de consolider son expertise, d’enrichir ses contenus et ses ressources, et d’élargir ses activités de conseil. Ses normes et cadres techniques s’inspireront par ailleurs des directives du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) et des indicateurs sur le capitalisme des parties prenantes (Stakeholder Capitalism Metrics), élaborés par le Conseil des affaires internationales du Forum économique mondial. La connaissance de ces influences sur les futures normes de présentation de l’information permet de mieux appréhender les stratégies à mettre en œuvre afin de prendre les problématiques ESG à bras-le-corps.

Pour tout chef d’entreprise convaincu de la nécessité de gagner la confiance des investisseurs, il est logique d’anticiper cette évolution inéluctable. Certes, la démarche promet d’être chronophage et coûteuse, mais le jeu en vaut la chandelle si une organisation souhaite reprendre en main sa marque et sa réputation, sans se faire damer le pion par la concurrence.

Comment regagner la confiance des investisseurs?

Il est essentiel au regard des parties prenantes d’appuyer la démarche sur des outils concrets : rapports de référence, comparaisons avec les pratiques exemplaires du secteur, évaluations d’impact continues, vérification indépendante de l’information présentée… En d’autres termes, seuls des objectifs éloquents, des plans d’action cohérents et des résultats tangibles et mesurables sauront convaincre.

Toujours est-il que les investisseurs attendent de l’information claire de la part des entreprises sur leurs résultats ESG. D’après le baromètre Edelman, 81 % des personnes interrogées estiment que les organisations ne dévoilent pas suffisamment de données sur leurs risques et leurs politiques qui portent sur les facteurs ESG, comme en témoignent les 85 % de répondants qui se prononcent d’ailleurs en faveur d’une divulgation obligatoire. Enfin, 84 % des sondés jugent que les gouvernements devraient exercer davantage de pression sur les entreprises afin de les inciter à respecter les normes ESG.

Une approche proactive permettrait très vraisemblablement d’enterrer la hache de guerre.

Plus qu’une simple question d’environnement

Les facteurs environnementaux monopolisent en grande partie l’attention des médias et des marchés financiers. Toutefois, les entreprises ne devraient pas pour autant faire l’impasse sur les critères sociaux et de gouvernance, comme la diversité, la main-d’œuvre et la supervision du personnel. Toute forme d’immobilisme sur ces questions pourrait d’ailleurs avoir raison des intentions environnementales les plus louables.

La récente étude d’Edelman révèle que 85 % des investisseurs institutionnels considèrent que la culture et les pratiques organisationnelles revêtent une importance comparable aux facteurs environnementaux. La plupart d’entre eux jugent même qu’il est indispensable de miser sur une culture d’entreprise propice à la responsabilisation du personnel pour alimenter le sentiment de confiance.

Alors, pourquoi cette position? Une main-d’œuvre engagée stimule l’innovation et la rentabilité, et s’avère moins vulnérable au stress – qui, pour sa part, est susceptible de contribuer à l’épuisement professionnel et à d’autres problèmes de santé, et donc à une plus grande rotation du personnel. L’étude dévoile par ailleurs que 74 % des sondés pensent que l’activisme des employés au sein d’une entreprise est révélateur d’une culture organisationnelle saine, d’une bonne gestion interne ou d’une forte mobilisation de la main-d’œuvre. Il s’agit là d’un revirement complet par rapport à l’enquête réalisée en 2019. En effet, 74 % des investisseurs à l’échelle mondiale s’accordaient alors pour dire que l’activisme des employés au sein d’une organisation réduisait son attractivité financière.

Le baromètre d’Edelman montre en outre que les investisseurs interrogés s’appuient sur une série de structures, de cadres et de lignes directrices dans leurs activités – le Sustainability Accounting Standards Board (qui fait partie de la VRF), la Global Reporting Initiative, les Objectifs de développement durable des Nations Unies, le CDP (anciennement nommé Climate Disclosure Project), le Forum économique mondial et le GIFCC – et qu’ils les jugent relativement utiles. La naissance du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité devrait permettre de faire un pas de plus vers la transparence. En effet, créé à l’initiative de l’International Financial Reporting Standards Foundation, qui établit les règles comptables dans le monde, il contribuera largement à dissiper le scepticisme ambiant quant à la fiabilité des entreprises.

D’autres sources s’avèrent également très utiles pour les investisseurs. Selon 71 % des répondants, c’est notamment le cas des sommaires de rapport, des fiches d’information et des publications sur les médias sociaux (messages sur LinkedIn et Twitter et articles de blogue). En revanche, les journées des investisseurs et les présentations faites lors de conférences arrivent en queue de peloton, et ne donnent satisfaction qu’à 63 % des sondés. Ce chiffre est sans doute symptomatique du manque d’objectivité de ce type de présentations, qui versent souvent dans la propagande au lieu de livrer un bilan sans fard de la réalité.

La lumière au bout du tunnel

Les facteurs ESG arrivent à un tournant de leur courte histoire. Pour l’heure, l’incertitude est reine, et les agissements peu scrupuleux de quelques-uns freinent l’élan vers le changement de tous les autres.

Il appartient donc aux gouvernements et aux instances internationales de statuer pour définir les règles et les normes ESG à respecter. À bien des égards, ce nouvel arsenal réglementaire et législatif permettra à tous les acteurs d’y voir plus clair – mais à n’en pas douter, une immense vague de panique, de dépenses et de confusion déferlera sur les retardataires contraints au rattrapage.

Les entreprises choisissant de fournir de l’information sur leur progrès en matière de durabilité seront mieux positionnées à court et à long terme. Après tout, les investisseurs, la clientèle et le personnel ne réclament pas la transparence à une échéance floue ou lointaine. Ils l’exigent dès maintenant.

Note de bas de page

[1] Sur la base des actifs déclarés par les États-Unis, l’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et le Japon.

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