Lire entre les lignes – déchiffrer ce qui n’est pas là

Cet article a été initialement publié dans Le Monde Juridique. Il a été reproduit avec l’autorisation de l’auteur.

Vous sentez-vous à l’aise avec la lecture des états financiers? Comprenez-vous tous leurs éléments, voire ce qui pourrait y manquer? En effet, afin d’effectuer une revue des états financiers adéquate, il ne suffit pas de se contenter de réviser ce qui est présenté aux états financiers annuels de la société, surtout lorsque nous parlons de fraude.

Comme mentionné dans notre dernière chronique sur le sujet des fraudes dans les états financiers (FDLEF), certaines zones grises dans les principes de la comptabilité permettent la dissimulation d’actions néfastes de fraudeurs.

Dans cet article, nous aborderons le besoin d’examiner minutieusement ce qui est présenté aux utilisateurs des états financiers afin de déchiffrer ce qui n’y est peut-être pas inscrit.

Un exemple est celui d’une fraude de plus de 100 millions de dollars dans l’armée américaine récemment découverte. Cette fraude a été perpétrée pendant plusieurs années par un employé qui effectuait des paiements à une société nominale (« shell company ») afin de détourner des fonds d’un programme d’aide aux familles des militaires.

Une autre grande fraude qui a été mise en évidence dans l’actualité concerne plusieurs hauts profils, dont un ancien Premier ministre de la Malaisie, la banque Goldman Sachs, ainsi que des acteurs d’Hollywood et un homme d’affaires en fuite surnommé le « Billion Dollar Whale » : le « scandale 1MDB ». Entre 2009 et 2015, 4,5 milliards de dollars auraient été volés, dont 4,8 millions ont été récupérés jusqu’à présent.

Dans les deux cas, le détournement de fonds était rendu possible, car la personne qui approuvait les contrats et le paiement des factures était, directement ou indirectement, le bénéficiaire du paiement. La fraude a été découverte par des entités externes : l’IRS dans le premier cas, des journalistes et un lanceur d’alerte dans l’autre.

Pourquoi ces fraudes n’ont-elles pas été découvertes plus tôt? Qu’est-ce que les utilisateurs des états financiers ont manqué?

Que pouvez-vous faire pour tenter d’éviter ces types de fraudes?

Pour commencer, il faut prendre du recul et essayer de constater si les états financiers présentés racontent une histoire cohérente.

Par exemple, un magasin d’articles de sport qui vend du matériel de pêche à Montréal qui présente des revenus similaires chaque trimestre devrait déclencher un signal d’alarme, car vous vous attendez à ce que cette activité soit cyclique. Si un client souhaite acquérir ce magasin, une revue juricomptable avant l’achat pourrait accompagner la vérification diligente (« Due diligence »).

Dans les entreprises qui connaissent une forte croissance, on peut s’attendre à des investissements en infrastructures et en équipements. S’il y a peu ou pas d’actifs ou de coûts associés à l’expansion, selon le secteur, cela pourrait nécessiter une revue. Les investisseurs potentiels et actuels devraient examiner les montants prévisionnels avec les chiffres réels et poser des questions lorsque les écarts ne sont pas logiques.

Ce que vous attendez d’un bilan dépend de la nature de l’organisation, et si les informations attendues ne sont pas présentées. Par exemple :

• concernant un organisme à but non lucratif (OBNL), il doit y avoir une ligne pour les fonds affectés si la comptabilité par fonds est utilisée et si des notes dans les états financiers l’indiquent;
• concernant les sociétés stabilisées qui œuvrent depuis longtemps, une ligne pour l’encaisse est prévue lorsqu’il n’y a pas de redistribution du bénéfice ou augmentation des investissements.

Dans le cas de l’état des résultats, la nature des opérations de l’organisation peut guider nos attentes, mais ce qui figure au bilan doit également être pris en compte. Par exemple :

• pour les entreprises qui ont des dettes importantes au bilan, elles devraient conséquemment avoir des charges d’intérêts importantes;
• pour les entreprises qui ont une forte diminution de leurs stocks sans revenu correspondant, elles devraient également avoir une ligne pour obsolescence des actifs ou une ligne similaire dans leurs états financiers.

Ne manquez pas la suite de cet article dans une future parution du Monde Juridique.