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La fraude : un risque sous-estimé

La fraude : un risque sous-estimé

Résumé
10 minutes de lecture

MNP a sondé 256 propriétaires et hauts dirigeants d’entreprise au Québec pour mieux comprendre comment ils perçoivent les risques de fraude et l’évolution de ces perceptions depuis 2021, et a obtenu des résultats surprenants.

Associée et chef d’équipe pour la région de l’Est du Canada, Service d’enquêtes et de juricomptabilité
Directeur principal, Juricomptabilité

Les résultats du sondage de 2024 révèlent un important décalage entre le risque auquel les propriétaires et les hauts dirigeants au Québec pensent être confrontés et celui qui les guette en réalité selon les conseillers de l’équipe Juricomptabilité de MNP.

Un risque mal compris

Le sondage montre que la fraude financière et la fraude en milieu de travail inquiètent peu les dirigeants québécois. En 2024, elles occupaient l’avant-dernier rang de leurs préoccupations.

Ces derniers se souciaient plutôt de la gestion des effectifs (recrutement, pénurie de main-d’œuvre, formation, etc.) et de la conjoncture économique, qui sont des questions interreliées ayant une incidence directe et palpable sur les opérations et la croissance d’une entreprise. La fraude est, quant à elle, un danger latent, c’est-à-dire qu’elle ne se manifeste pas dans les activités quotidiennes d’une entreprise.

La perception du risque de fraude influence directement l’attention que l’on porte à la fraude financière. Par exemple, ceux qui estiment que les actes frauduleux sont un risque majeur vont généralement s’en préoccuper davantage. Une proportion de 78 % des répondants au sondage de 2024 était d’avis que le risque de fraude financière se situait dans une fourchette allant de très faible à modéré. Ce résultat est comparable à celui du sondage de 2021, où 80 % des répondants étaient de cette opinion. Sans surprise, les entreprises qui ont été la cible d’une fraude financière étaient davantage préoccupées par cette question.

En 2024, le nombre de répondants qualifiant le risque comme faible avait baissé, alors qu’ils étaient plus nombreux à le considérer comme étant « modéré ». La fraude financière demeure malgré tout un enjeu de moindre importance aux yeux des dirigeants d’entreprise au Québec : seulement 18 % des répondants la placent parmi leurs trois principaux soucis et un maigre 4 % en font leur préoccupation numéro un.

La perception du risque de fraude varie de façon appréciable en fonction du poste occupé par la personne sondée. Les propriétaires d’entreprises québécoises sont plus susceptibles de penser qu’il est élevé. Environ 75 % d’entre eux le percevaient toutefois comme étant faible ou modéré.

Les dirigeants non-propriétaires se montraient quant à eux nettement moins préoccupés par la question. La proportion de répondants étant d’avis que la fraude présente un risque élevé pour leur organisation était de 23 % pour les personnes occupant des fonctions de contrôleur ou de directeur des finances et de 19 % pour celles à un poste de vice-présidence ou de haute direction.

Corey Bloom, associée et leader, Juricomptabilité, enquêtes et soutien en cas de litiges pour la région de l’Est du Canada chez MNP, affirme que « la fraude est un risque de taille pour un propriétaire d’entreprise, car elle peut menacer directement ses investissements personnels, la valeur des capitaux propres et la continuité des activités. Il est donc tout à fait compréhensible qu’elle constitue un plus grand danger à ses yeux. Il est préoccupant de savoir que les dirigeants non-propriétaires s’en soucient beaucoup moins et qu’ils vont faire passer l’exploitation de l’entreprise ou les objectifs d’un service avant des risques systémiques comme la fraude financière. Or, tout le monde au sein d’une organisation a la responsabilité de la protéger contre des actes frauduleux. »

Comme dans le sondage de 2021, on observe que les plus jeunes membres d’une organisation sont davantage préoccupés par la fraude. Aussi, le fait d’occuper un poste depuis longtemps semble encourager un certain laisser-aller et semble diminuer la vigilance face à la fraude financière.

Le décalage entre les préoccupations et la réalité

Dans l’ensemble, les sondés estiment qu’aucun type de fraude financière ne prédomine, tous étant perçus comme présentant un risque similaire, évalué à un niveau « moyen ».

Néanmoins, les résultats du sondage de 2024 révèlent que les fraudes qui inquiètent surtout les répondants ne sont pas celles dont ils pourraient vraisemblablement être la cible. Ce décalage, déjà observé en 2021, pourrait indiquer que les entreprises s’emploient à parer des menaces moins sérieuses plutôt qu’à colmater les failles qui sont plus à risque d’être exploitées. Par exemple :

  • Le vol d’information confidentielle et de propriété intellectuelle occupait à nouveau le haut du palmarès, obtenant un score moyen pondéré de 5 sur 10. Or, parmi les fraudes dont les entreprises québécoises ont été victimes dans les faits, celle-ci arrive au cinquième rang.
  • Les fraudes commises par un fournisseur ou un client ou les décaissements frauduleux (note de frais ou paiement falsifié) ont reçu un score de 4,7 et 4,4 respectivement, ce qui dénote qu’on leur associe un risque plus élevé que d’autres. En réalité, elles occupent le quatrième et le sixième rang des fraudes commises contre les entreprises au Québec.

Selon le Report to the Nations 2024 publié par l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE), les détournements d’actifs sont le type de fraude le plus courant, mais les répondants au sondage ne semblent pas trop s’en préoccuper. Les détournements de fonds ont reçu un score pondéré de 4,1 — un des plus faibles du sondage — bien que ces stratagèmes arrivent au deuxième rang des fraudes constatées en entreprise au Québec.

Parmi les différents types de fraudes financières, ceux liés à la paie sont perçus comme les moins probables. Or, le sondage révèle qu’elles arrivent en réalité en troisième place parmi les actes frauduleux dont les entreprises ont été victimes. Les propriétaires qui ne font pas le nécessaire face aux fraudes liées à la paie rendent leur entreprise vulnérable à ces fraudes.

Simon Gaudreau, directeur principal, Juricomptabilité, enquêtes et soutien en cas de litiges chez MNP, affirme que les fraudes qui préoccupent principalement les propriétaires d’entreprise ne sont pas nécessairement celles dont ils peuvent être victimes, ce qui donne à penser qu’ils pourraient mettre en œuvre des mesures mal focalisées qui laissent des failles et des angles morts qu’un fraudeur peut exploiter. « Non seulement on peut laisser passer une fraude si l’on ne concentre pas son attention aux bons endroits, mais l’application de mesures insuffisantes ou inutiles peut également coûter cher en temps et en argent à une organisation. Il est donc essentiel de mettre en place un dispositif antifraude qui protège les zones les plus vulnérables d’une entreprise. »

La perception du risque menaçant la concurrence

Les entreprises croient en grande majorité que le risque de fraude financière auquel elles sont exposées est égal ou inférieur à celui qui menace leurs concurrents. Les répondants qui estiment que ce danger est moins élevé dans leur entreprise que chez leurs compétiteurs sont trois fois plus nombreux que ceux qui affirment l’inverse.

De même, la plupart des personnes interrogées sont d’avis que les autres secteurs font face à un risque de fraude financière comparable ou supérieur à celui où leur entreprise exerce ses activités. Pour trois répondants qui sont de cet avis, on en compte un qui pense le contraire.

Corey Bloom affirme qu’il est tentant de croire que la fraude a lieu ailleurs. « En réalité, tout le monde peut être une cible. L’ACFE estime que les organisations perdent annuellement environ 5 % de leurs revenus à des actes frauduleux. Il faut donc s’intéresser à ce qui se passe dans sa propre cour et faire preuve de vigilance. Les fraudes dont une entreprise peut être la victime vont varier selon la nature de ses activités. »

La perception à l’égard du risque de fraude financière ne semble pas varier beaucoup d’un secteur d’activité à l’autre. Dans certains domaines, comme la vente en gros, la construction, la santé et la vente au détail, on tend à penser que le risque est plus élevé.

Les effets de la conjoncture économique

Des facteurs économiques tels qu’une inflation et des taux d’intérêt élevés semblent jouer sur la perception du risque de fraude financière. Une proportion de 40 % des répondants croit que leur entreprise fait face à un niveau de risque plus élevé que par le passé. En revanche, les 60 % restants sont d’avis que la conjoncture économique actuelle n’a rien changé au danger de fraude, ou l’a même diminué.

Simon Gaudreau explique qu’une « forte inflation et une hausse des taux d’intérêt exercent des pressions financières qui peuvent à leur tour intensifier les risques internes et externes de fraude. Les employés aux prises avec des problèmes d’argent seront plus tentés de frauder. Une entreprise qui peine à maintenir ses marges pourrait quant à elle rogner sur les dépenses de contrôle interne et ainsi donner à des fraudeurs l’occasion de passer inaperçus. En outre, l’exigence d’atteindre des cibles financières dans un contexte économique difficile peut pousser à la manipulation des états financiers. D’après l’ACFE, c’est ce type de fraude qui coûte le plus cher aux organisations. »

Une proportion de 68 % des participants au sondage est d’avis que le besoin d’argent est ce qui motive le plus fréquemment les fraudeurs, ce qui cadre avec les conclusions de l’ACFE, qui révèlent qu’un train de vie supérieur à ses moyens et les difficultés financières sont les caractéristiques les plus courantes des malfaiteurs.

Les propriétaires sont moins susceptibles que les autres membres d’une entreprise à croire que la situation financière est le principal motif de fraude des employés. Parmi les autres raisons pouvant être à l’origine d’un acte frauduleux, on compte un manque de loyauté envers l’entreprise ou une occasion qui se présente en raison de contrôles insuffisants.

Corey Bloom affirme que « chacun de ces facteurs peut inciter un employé à adopter des comportements inappropriés. Voilà pourquoi une entreprise doit mettre en place des contrôles internes rigoureux. Les études menées par l’ACFE montrent que plus de la moitié des fraudes en milieu de travail sont commises lorsque les contrôles internes antifraude sont insuffisants ou que les contrôles internes sont contournés. On peut réduire de façon appréciable la probabilité de fraude en entreprise par l’évaluation des contrôles existants et la mise en place de mesures strictes. »

Les cas de fraude et les conceptions erronées

Environ une entreprise sur trois sera la victime d’au moins une fraude financière durant son existence.

Le recoupement du risque perçu et des expériences passées donne des résultats fort intéressants. Les organisations qui ont été fraudées sont plus susceptibles de percevoir le risque de fraude comme étant élevé et savent malheureusement de quoi elles parlent. Celles qui ont jusqu’à présent été épargnées sont peut-être plus insouciantes qu’invulnérables.

Les résultats du sondage de 2024 montrent que le nombre d’entreprises qui ont été la cible d’une fraude financière est comparable à celui observé en 2021. La proportion de répondants qui affirme avoir été la cible d’un acte frauduleux et celle qui soupçonne l’existence d’une fraude, sans en avoir la preuve, s’élèvent respectivement à 20 % et à 13 %.

Selon les résultats des sondages précédents de MNP, une entreprise sur cinq a été la cible d’une fraude financière avérée. Les membres de l’équipe Juricomptabilité, enquêtes et soutien en cas de litiges sont unanimes : ce pourcentage est possiblement beaucoup plus élevé, car il est probable que bon nombre d’incidents n’ont pas été détectés ou déclarés. Si l’on réunit les entreprises qui soupçonnent une fraude et celles qui ont la certitude d’avoir été la victime d’un acte frauduleux, c’est presque une société sur trois qui aurait été victime d’une fraude financière.

Selon Corey Bloom, « une fraude peut être très difficile à déceler si l’on ignore les indices auxquels il faut être attentif ou les contrôles qu’il faut mettre en place. Il est probable que les incidents soient nombreux à passer inaperçus, ce qui ouvre la porte à des fraudes répétées qui seront plus dommageables. »

Les participants au sondage ont affirmé que leur entreprise avait été à trois reprises, en moyenne, la cible d’une fraude financière. Plus inquiétant encore, 15 % des répondants fraudés ont été dupé cinq fois et plus.

Une proportion de 52 % des victimes a déclaré que la fraude avait été commise au cours des trois dernières années. Une entreprise touchée sur quatre affirme que l’incident s’était produit au cours de la dernière année.

La fraude a des répercussions de taille sur une entreprise. Les deux tiers des victimes affirment que la stabilité de leurs finances et de leur gestion a été modérément à très fortement ébranlée.

Les effets sur la réputation étaient perçus comme plus faibles. De fait, 40 % des victimes affirment que l’atteinte à la leur était de modérée à très élevée.

Ce résultat donne à penser que les effets immédiats sur les finances et l’exploitation sont perçus comme plus importants. La prévalence actuelle de la fraude et le nombre d’entreprises qui se concentrent sur la gestion de ses conséquences directes avant de se préoccuper de leur image peuvent influencer cette perception.

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