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La COP26 annonce une nouvelle ère pour la communication des facteurs ESG

La COP26 annonce une nouvelle ère pour la communication des facteurs ESG

Résumé
12 minutes de lecture

La création de normes d’information mondiales au chapitre de la durabilité est présentée comme la plus importante modification aux normes de présentation d’informations financières des sociétés en 100 ans.

Dans ce volet de notre série en quatre parties consacrée aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), découvrez pourquoi les nouvelles normes d’information sur les facteurs ESG risquent de prendre certaines entreprises au dépourvu.

Table des matières

Adoption de normes d’information ESG mondiales

Des données et de l’information plus transparentes

Bientôt une surveillance réglementaire accrue?

Le défi des données

Des obligations d’information plus contraignantes

Au-delà du « E » d’ESG

 

Si la dernière Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP) n’a pas atteint son principal objectif, à savoir susciter l’engagement des pays à limiter le r&esacute;chauffement climatique à 1,5 °C d’ici 2050, elle n’en a pas moins donné lieu à ce que certains commentateurs qualifient de plus importante modification aux normes d’information des entreprises depuis la Grande Dépression.

 La création de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) par l’International Financial Reporting Standards (IFRS) Foundation, qui établit des normes de comptabilité pour la majeure partie du monde, à l’exception des États-Unis, suggère que des normes mondiales de référence régissant la communication d’information sur la durabilité sont en passe d’entrer en vigueur. Ces normes seront conçues pour répondre aux besoins des entreprises, des investisseurs et d’autres parties prenantes contraintes de composer avec de multiples normes, cadres et facteurs ESG depuis des années. S’il faudra du temps pour mettre en œuvre des normes d’information pour les questions ESG d’importance, la priorité devrait être accordée à celles qui portent sur les changements climatiques, conformément à l’ordre du jour planétaire et à l’urgence que représente cette lutte.

 En résumé, si les gouvernements peinent à atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 fixés par l’Accord de Paris de 2015, les entreprises et les investisseurs ne peuvent se permettre d’ignorer l’ISSB qui a déjà publié deux documents présentant une version préliminaire d’obligations d’information générales où figurent seulement certaines des données que les entreprises seront tenues de communiquer à court terme. Des normes officielles devraient être publiées vers le milieu de cette année.

 À bien des égards, la COP26 a précisé les engagements pour l’environnement du secteur privé, dont le virage vert se poursuit malgré l’inaction relative des gouvernements. Elle a en outre donné une impulsion considérable au mouvement plus général pour les questions ESG et clairement indiqué aux sociétés ouvertes qu’elles devront s’y rallier sous peine de payer un lourd tribut aux yeux des parties prenantes qui ont ces questions à cœur.

Les normes seront basées sur les exigences techniques du Climate Disclosure Standards Board (CDSB) et de la Value Reporting Foundation (VRF), les conclusions du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) et les indicateurs sur le capitalisme des parties prenantes du Conseil pour le commerce international du Forum économique mondial. Les quatre piliers que sont la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques ainsi que les indicateurs et cibles établis par le GIFCC seront essentiels pour guider les sociétés dans la communication d’informations régulière sur les risques et les occasions liés aux changements climatiques. Les nouvelles normes devraient aider les investisseurs et d’autres parties à mieux comprendre les engagements et le bilan ESG d’une société, tout en leur permettant d’estimer son rendement et son potentiel de création de valeur à long terme.

Des données cohérentes devraient également permettre d’apaiser les craintes des parties prenantes au sujet de l’écoblanchiment, soit le fait pour des entreprises de fournir une information trompeuse visant à donner la fausse impression que leurs politiques ou produits respectent l’environnement. L’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), dont les membres réglementent plus de 95 % des marchés de valeurs mobilières de la planète, s’est montrée de plus en plus préoccupée par cette pratique à l’heure où sociétés et investisseurs s’efforcent d’atteindre des objectifs réglementaires internes et externes, et où le marché de la notation et des données ESG connaît une forte croissance.

Dans un récent rapport de l’OICV, il est question de la nécessité de pallier le manque de fiabilité et de comparabilité des données publiées par les sociétés, ainsi que la notation et les données ESG fournies par de tierces parties, pour permettre au secteur de l’investissement d’évaluer correctement les risques et les possibilités liés à la durabilité.

L’Organisation s’inquiète également du manque de surveillance réglementaire de la notation et des données ESG qui, en général, ne relèvent pas de la responsabilité des organismes de réglementation des valeurs mobilières. Fin novembre 2021, l’OICV a publié cinq recommandations, invitant notamment les parties concernées à s’assurer que les agences de notation et de données ESG rédigent et mettent en œuvre des politiques et des procédures visant à garantir que leurs décisions sont indépendantes, exemptes d’ingérence politique ou économique et préservées de potentiels conflits d’intérêts.

Les normes de l’ISSB devraient favoriser une plus grande transparence, mais divers organismes de réglementation des valeurs mobilières, dont la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis et la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, travaillent toujours à définir les exigences ESG devant s’appliquer aux sociétés émettrices. L’Autorité canadienne en valeurs mobilières (ACVM), qui avait proposé en octobre des obligations d’information liée aux changements climatiques, a par ailleurs mené une consultation publique à leur sujet qui s’est achevée le 17 janvier 2022. Ces obligations sont largement conformes aux recommandations du GIFCC. L’ISSB pourrait néanmoins demander à des sociétés de faire connaître leur position actuelle ainsi que les mécanismes de transition censés conduire à l’atteinte de leurs objectifs.

En 2021, le Royaume-Uni a confirmé que les grandes sociétés enregistrées sur son territoire seraient tenues de fournir de l’information financière liée aux changements climatiques à compter d’avril 2022. Il devient ainsi le premier pays du G20 à inscrire cette obligation dans la loi. En novembre 2021, le Chancelier de l’Échiquier Rishi Sunak a également demandé aux entreprises de publier un plan clair et livrable de décarbonisation et de transition vers la carboneutralité.

Cette approche rejoint celle des nombreux organismes de réglementation qui exigent des sociétés qu’elles fournissent de l’information sur les mesures qu’elles prennent pour accroître la diversité de leur conseil d’administration. Par exemple, la plupart des organismes de réglementation provinciaux et territoriaux au Canada demandent aux entreprises de publier une politique portant sur la représentation féminine au sein du conseil d’administration et de la haute direction (ou d’en justifier l’absence), ainsi qu’un résumé de leurs objectifs et des mesures adoptées pour les atteindre. Ces règles de diversité se sont récemment étoffées de façon à inclure des représentants des Premières Nations, des personnes en situation de handicap et des minorités visibles, et pourraient finir par s’étendre aux LGBTQ2S+ et à d’autres groupes.

Il est cependant beaucoup plus facile de recueillir l’information sur la diversité des conseils d’administration que de compiler les données susceptibles de satisfaire aux obligations d’information ESG, ce que de nombreuses sociétés n’ont jamais fait, dans certains cas parce qu’il n’existait aucune méthodologie normalisée à cette fin, à l’échelle nationale et internationale. Dans le monde des affaires, la confusion engendre l’inaction, car les entreprises ne souhaitent pas courir le risque de consacrer du temps et de l’argent à des initiatives non pertinentes pour leurs parties prenantes. Mais avec l’entrée en scène de l’IFRS (par l’intermédiaire de l’ISSB), l’inaction se révèle beaucoup moins attrayante. Les entreprises doivent se tenir prêtes, en déterminant d’abord quelle information sera requise et, tout aussi important, où et comment l’obtenir, pour ensuite savoir de quelle façon la communiquer.

Dans le cadre de son mandat, l’ISSB regroupe deux instances de normalisation internationales en durabilité orientées vers les investisseurs. D’abord, la Value Reporting Foundation, un organisme à but non lucratif créé en 2021 de la fusion de l’International Integrated Reporting Council (IIRC) et du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) qui définit 77 normes sectorielles. Ensuite, le Climate Disclosure Standards Board, un organisme à but non lucratif créé en 2007 qui s’emploie à intégrer de l’information sur les changements climatiques dans la publication courante d’information financière.

(Le nouvel organisme a un lien avec le Canada, puisque les bureaux de l’IFRS Foundation à Montréal et à Francfort, en Allemagne, appuieront l’ISSB et l’aideront à assurer une coordination avec les parties prenantes régionales.)

L’ISSB a déjà publié deux documents présentant une version préliminaire d’obligations d’information générales, le premier sur les obligations d’information liée aux changements climatiques, le second sur les exigences générales d’obligations d’information liée à la durabilité. Sous réserve de son adoption, le premier document suppose que les entreprises déclarent : leurs émissions de gaz à effet de serre en tonnes métriques d’équivalent CO2; le volume et le pourcentage de leurs actifs ou de leurs activités commerciales susceptibles d’effectuer une transition vers des sources d’énergie moins polluantes; la proportion de leurs revenus, de leurs actifs ou d’autres activités commerciales affichant un potentiel lié aux changements climatiques; la valeur des dépenses en capital, du financement ou des investissements consacrés à des risques ou à des possibilités liés aux changements climatiques; et la proportion des revenus de la haute direction visée par des considérations relatives aux changements climatiques.

Sur ce dernier point, les six grandes banques du Canada ont toutes déclaré que leurs politiques de rémunération des dirigeants tiennent compte des cibles ESG, même si la part de l’enveloppe salariale concernée s’avère minime et que les indicateurs utilisés ne sont pas uniformes. Toutes ces informations à fournir constituent seulement une catégorie – « les indicateurs intersectoriels » – parmi 17 recommandations générales au chapitre de la communication d’information.

En bref, voilà qui fait beaucoup de formalités. Mais les entreprises devront également expliquer comment elles abordent les principaux risques et possibilités liés aux changements climatiques. Ces derniers comprennent, sans s’y limiter, la manière dont elles prévoient atteindre des objectifs à cet effet, notamment le financement de ces plans, les processus existants d’évaluation de ces objectifs et le recours éventuel aux compensations carbone en vue de l’atteinte desdits objectifs; leur contribution à la recherche et au développement visant l’adaptation aux changements climatiques, leur atténuation ou tout potentiel inhérent à ceux-ci; l’adoption éventuelle de nouvelles technologies; ainsi que tout effort direct d’adaptation et d’atténuation.

Il est important de noter que ces informations ne concernent que le « E » d’ESG. Dans le cadre des obligations d’information liée à la durabilité générales, les entreprises seraient également tenues de fournir une description complète, neutre et précise des risques et des possibilités liés aux pratiques de travail, aux droits de la personne et aux relations avec le public, à l’eau et à la biodiversité, autant de facteurs qui se révèlent de plus en plus déterminants dans l’évaluation de la valeur et des perspectives actuelles et futures d’une organisation par les marchés financiers. Les sociétés devront en outre donner une « indication claire » quant à savoir si leurs objectifs sont absolus, normalisés, basés sur l’intensité ou les activités, ainsi que la durée prévue pour atteindre l’objectif et tout jalon ou cible intermédiaire. Il s’agit de 2 des 90 recommandations de la proposition, dont certaines seront assurément plus difficiles à appliquer que d’autres.

En somme, les deux propositions de l’ISSB visant la communication d’information sont déjà exhaustives et exigeront des sociétés qu’elles fournissent de l’information qu’elles n’ont jamais eu à dévoiler auparavant… ou dont elles ne disposent peut-être même pas. Satisfaire aux normes comme il se doit demandera d’importants efforts de leur part.

Mais il s’agit également d’une nécessité, dans un contexte où les gouvernements semblent baisser les bras devant la gérance de l’environnement. Les organismes privés, publics et gouvernementaux devront travailler de concert afin d’atteindre les objectifs climatiques, et éviter de compter uniquement sur le gouvernement.

Dans son discours annonçant la création de l’ISSB lors de la COP26, Erkki Liikanen, président du conseil d’administration de la Fondation IFRS, a déclaré que les marchés financiers peuvent jouer un rôle essentiel dans l’atteinte des objectifs de carboneutralité. (La « carboneutralité » désigne une économie future non émettrice de gaz à effet de serre, dans laquelle les émissions restantes sont compensées au moyen de crédits carbone obtenus grâce à la plantation d’arbres, au captage du CO2 ou à d’autres méthodes.) Mais à cette fin, a-t-il précisé, l’information liée à la durabilité doit être communiquée avec la même rigueur et le même souci de la qualité qui caractérisent aujourd’hui l’information financière. 

Pour accomplir leur travail, les investisseurs et les marchés financiers ont besoin de données fiables, transparentes et comparables à l’échelle mondiale. Il leur est plus difficile de composer avec des cadres et des directives de communication d’information distincts et volontaires (bien qu’en l’absence de normes mondiales, ces efforts doivent être salués, même s’ils accroissent les coûts et la complexité).

À l’heure où des normes mondiales s’apprêtent à entrer en vigueur, le défi se présente aux entreprises elles-mêmes, dont les propriétaires et les dirigeants, s’ils n’ont pas déjà commencé à le faire, devront bientôt adapter leurs modèles de communication d’information ou en concevoir de nouveaux, sous peine de subir les conséquences de la violation des règles de comptabilité internationales et de se mettre à dos leurs investisseurs, leurs clients et leurs employés.

Ne manquez pas la suite de cette série en quatre parties consacrée aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Nous examinerons des points de vue propres à certains secteurs de l’industrie et aborderons les éléments « S » et « G » souvent négligés d’ESG.

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