Vous devez acheter un bien ou un équipement pour votre entreprise? Dans ce cas, vous remplissez peut-être les conditions pour avoir droit au crédit d’impôt pour investissement et innovation. Dany Ledoux, associé en fiscalité au bureau MNP de Sherbrooke, détaille cette mesure fiscale.
Le crédit d’impôt pour investissement et innovation (C3I) est un crédit remboursable provincial existant depuis déjà quelques années.
Conditions d’admissibilité au C3I
Le C3I tire ses origines du crédit d’impôt pour investissement relatif au matériel de fabrication et de transformation (CII). Implanté en 2008, le CII s’adressait principalement au secteur manufacturier et aux achats d’équipements de fabrication et de transformation de biens destinés à la vente ou à la location. Cette mesure a pris fin le 31 décembre 2022.
Toutefois, le principe de base de la mesure initiale a été repris dans la nouvelle mouture sous la forme du C3I, mais l’ajout de l’admissibilité des biens en lien avec l’innovation a nettement élargi son application.
Quelles sont les sociétés admissibles? Toutes le sont sauf les sociétés exclues, c’est-à-dire les sociétés exonérées d’impôt, les sociétés de la Couronne, ainsi que les entreprises œuvrant dans la production d’aluminium et le raffinage de pétrole.
Quels sont les biens admissibles? Pour être admissibles, les biens doivent consister en des équipements neufs ou remis à neuf. Attention, ces biens ne doivent pas avoir été acquis auprès d’un fournisseur lié.
Les biens doivent appartenir à l’une ou l’autre de ces catégories fiscales :
- Catégorie 53 : équipements de transformation et de fabrication de biens destinés à la vente ou à la location;
- Catégorie 50: le matériel électronique universel de traitement de l’information et logiciels de systèmes connexes;
- Catégorie 43: biens utilisés principalement dans le cadre d’activités de fonte, d’affinage ou d’hydrométallurgie de minerais, autres que les minerais provenant d’une mine d’or ou d’argent;
- Catégorie 12: les logiciels (progiciels de gestion intégrée) autres que les logiciels de systèmes.
Les coûts admissibles quant à eux sont les dépenses en capital pour acquérir le bien, moins le montant représentant les subventions applicables. Il est également possible d’ajouter aux coûts d’acquisition les montants nécessaires afin de pouvoir faire fonctionner ou utiliser le bien. Par exemple, lors de l’achat d’un logiciel, vous pourriez réclamer le crédit sur le prix d’achat de la licence ainsi que sur le coût d’implémentation du logiciel. Dans le cas d’équipement de fabrication, il serait possible d’inclure les frais liés à des travaux de plomberie, d’électricité, de maçonnerie et de structure du bâtiment qui se sont avérés nécessaires pour l’installation et l’utilisation de ce nouveau matériel.
Autrement dit, tous les coûts connexes qui peuvent être capitalisés dans le coût du bien sont des coûts admissibles. Il s’agit d’un élément important à considérer, car ces types de dépenses peuvent parfois être engagés dans un autre exercice financier que celui durant lequel le bien a été acquis.
Enfin, il faut savoir que des seuils d’exclusion s’appliquent :
- 12 500 $ pour les biens entrant dans les catégories 43 et 53;
- 5 000 $ pour ceux des catégories 12 et 50.
Les taux applicables au C3I
Les taux applicables au C3I dépendent de plusieurs facteurs.
Le tableau ci-dessous détaille les taux appliqués en fonction de la période et de la région où le bien réclamé au crédit est utilisé. En résumé, les taux annoncés lors du budget du 10 mars 2020 sont de 20 % pour la zone à faible vitalité économique (régions éloignées), de 15 % pour la zone intermédiaire et de 10 % pour la zone à haute vitalité économique (Québec, Montréal et leurs couronnes).
Ils ont été augmentés pour passer respectivement à 40 %, 30 % et 20 % pour la période du 26 mars 2021 au 31 décembre 2023.
Depuis le 1er janvier 2024 et jusqu’au 31 décembre 2029, date à laquelle la mesure prendra fin, les taux ont repris leur niveau initial auquel s’ajoute une bonification de 5 %. Les taux actuellement en vigueur depuis le 1er janvier 2024 sont de 25 %, 20 % et 15 %.
Endroit où le bien est acquis pour être utilisé principalement | Taux applicables après le 10 mars 2020 et jusqu'au 25 mars 2021 | Taux applicables après le 25 mars 2021 jusqu'au 31 décembre 2023 | Taux applicables après le 31 décembre 2023 jusqu’au 31 décembre 2029 |
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Zone à faible vitalité économique | 20 % | 40 % | 20 % |
Zone intermédiaire | 15 % | 30 % | 15 % |
Zone à haute vitalité économique | 10 % | 20 % | 10 % |
Taux bonifié (applicable jusqu’au 31 décembre 2023)
Pour pouvoir prétendre au taux bonifié, vous devez avoir engagé la dépense avant le 1er janvier 2024, et acquis le bien avant le 1er avril 2024. Il faut alors se référer au contrat pour déterminer le moment de l’engagement et celui de l’acquisition du bien. Il existe toutefois une nuance à connaître pour un bien construit : dans ce cas, le transfert de propriété s’effectuera dès que vous êtes avisé de son existence, par exemple lorsque vous avez été mis au courant que le bien est individualisé.
Remboursabilité du C3I
Le gouvernement du Québec a aboli les critères de remboursabilité du crédit pour les exercices débutant à partir du 1er janvier 2024. Auparavant, cette remboursabilité était modulable en fonction du plus élevé de l’actif total consolidé ou du revenu brut consolidé de toutes les sociétés associées.
Pour les exercices débutant en 2023 ou avant, si l’actif brut consolidé ou le revenu brut consolidé de l’entreprise est inférieur à 50 M$, le crédit était remboursable en totalité. Si l’actif ou le revenu brut consolidé excédait 50 M$, le remboursement était régressif et cessait de l’être complètement à partir de 100 M$. Il est important de savoir que la portion non remboursable du crédit peut être reportée dans le temps, soit de façon prospective ou rétroactive, selon ce qui est le plus avantageux. Enfin, si un impôt était exigible, le crédit y serait appliqué en premier.
Quand réclamer le C3I
Plusieurs éléments doivent être pris en considération à propos du moment auquel il faut réclamer le crédit. Il y a plusieurs particularités à considérer, mais le principe de base est le suivant : la demande peut être effectuée dès le moment où la dépense est engagée. Ainsi, il n’est pas nécessaire que les équipements aient déjà été reçus ni même mis en service pour demander le crédit.
Le crédit peut alors être demandé dès qu’il y a une entente contractuelle avec ou sans dépôt à la signature du contrat. Un bon de commande (PO) autorisé par les deux parties pourrait aussi être considéré comme un contrat.
Revenu Québec encourage de réclamer le crédit sur la totalité de l’engagement sans égard à la facturation reçue au moment du dépôt de la demande de crédit. Advenant que les montants payés pour l’acquisition du bien soient différents de ceux indiqués dans l’engagement initial, les ajustements nécessaires seront apportés au moment de l’octroi du crédit par Revenu Québec.
Le cas particulier des logiciels
Rappelons que les logiciels admissibles dans le cadre de cette mesure doivent être des progiciels de gestion intégrés (ERP-CRM) et non des logiciels de système.
Avec l’arrivée des SAAS (services offerts en infonuagique), il est désormais possible d’avoir accès à ce type de logiciels de différentes façons. Il est devenu de plus en plus courant d’acquérir des droits d’utilisation au lieu d’acheter un logiciel comme tel. Par conséquent, vous pourriez vous questionner à savoir s’il est possible d’inclure ce type de dépenses dans la catégorie 12 et ainsi avoir accès au C3I. Revenu Québec semble effectivement prêt à considérer les frais de licence mensuels et les coûts d’implémentation comme étant des frais admissibles aux fins du C3I. À noter que malgré cette possibilité, les frais de maintenance ne sont toujours pas considérés comme étant des coûts admissibles.
En conclusion, compte tenu de la complexité et des particularités de cette mesure fiscale, il peut être très avantageux de consulter un professionnel afin de déterminer la meilleure façon de bénéficier de ces incitatifs fiscaux.