Le 20 janvier 2025, le président américain Donald Trump a signé un mémorandum sur le commerce préconisant le principe d’« America First » (le « mémorandum ») et ordonné aux agences fédérales américaines d’étudier les politiques commerciales et d’évaluer les relations commerciales avec le Canada, entre autres. Le président Trump a fixé au 1er avril la date limite de réception de ces rapports et des recommandations qui en découlent.
La possibilité d’une imposition de tarifs douaniers est toujours bien réelle. Le président Trump a déclaré qu’il prévoyait d’imposer des tarifs douaniers sur les produits canadiens le 1er février 2025, mais aucune mesure législative officielle n’a été proposée pour la mise en œuvre de ces modifications.
Dans cet article, nous avons présenté un possible plan d’action sur la manière dont les États-Unis pourraient revoir les relations commerciales en tenant compte des antécédentsen plus de mettre en lumière certaines étapes à suivre dans les mois à venir et proposer des stratégies proactives à explorer à chaque étape.
La période que nous traversons est remplie d’incertitudes. Ce plan d’action ne garantit ni les résultats ni les délais. Notre objectif consiste à décortiquer pour vous la façon dont les relations commerciales sont généralement évaluées et à aider votre entreprise à se préparer aux éventualités.
Responsabilité des États-Unis en matière de politique commerciale
Les pouvoirs en matière de politique commerciale internationale, notamment le pouvoir de signer des accords commerciaux et le pouvoir d’imposer des tarifs douaniers sont, depuis peu, une responsabilité partagée entre le président des États-Unis et le Congrès.
Les tarifs douaniers relèvent de l’autorité constitutionnelle de percevoir des impôts, qui incombe principalement au Congrès. En théorie, le Congrès est chargé d’étudier les propositions de mesures tarifaires par l’entremise de commissions compétentes et doit normalement approuver toute initiative présidentielle qui en découle, sauf en cas de déclaration d’urgence nationale de la part du président. Le président des États-Unis peut imposer aux hauts fonctionnaires de la Maison-Blanche, notamment au représentant américain au Commerce (l’« USTR ») et au secrétaire au Commerce (en d’autres termes au département du Commerce), d’étudier les mesures tarifaires proposées ou potentielles.
Étape 1 : Enquête de l’agence fédérale
Le président des États-Unis a chargé certains départements, notamment le département du Commerce et l’USTR, de mener une enquête sur les flux commerciaux, les politiques et les relations avec les autres pays. L’objectif de cette requête vise à repérer les occasions de mettre en place de nouvelles politiques, notamment pour résoudre les problèmes liés aux déficits commerciaux, à la sécurité des frontières et aux politiques monétaires que les États-Unis jugent injustes pour leur économie nationale.
Les critères de cette enquête sont à la discrétion des agences fédérales.
Échéancier : Il est difficile de prévoir les délais entre le début de l’enquête et la publication des conclusions et des recommandations. Les États-Unis ont fixé au 1er avril 2025 la date limite de réception des rapports. Les enquêtes récentes concernant les tarifs ont pris plus de temps et étaient d’une envergure plus limitée.
Exemples d’échéancier :
- Tarifs douaniers imposés à la Chine : En 2017-2018, l’USTR a eu besoin de sept mois pour mener à bien l’enquête sur les pratiques de la Chine en matière de technologies et de propriété intellectuelle et préparer un rapport à ce sujet.
- Tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier : En 2017-2018, le département du Commerce a eu besoin de neuf mois pour examiner les répercussions de l’imposition de tarifs douaniers sur les importations d’aluminium et préparer un rapport à ce sujet.
Mesures proactives pour les entreprises :
- Mettez en place un examen de votre chaîne commerciale afin de renforcer de manière proactive vos données économiques grâce à des mesures de planification fondées sur vos propres données.
- Demeurez à l’affût des communiqués de presse des autorités compétentes concernant les périodes de consultation et les délais pour la publication des rapports.
Étape 2 : Rapport des résultats et recommandations
Le président des États-Unis recevra les conclusions du rapport et les recommandations.
Les rapports pourraient recommander des mesures supplémentaires. Par exemple, il est possible que le président des États-Unis dispose de justifications pour avoir recours à des pouvoirs économiques d’urgence et mettre en œuvre des changements immédiats, tels que l’imposition de tarifs douaniers. Les rapports pourraient tout aussi bien préconiser une période de consultations comme prochaine étape.
Échéancier anticipé :
Les rapports sont censés être publiés immédiatement après la conclusion de l’enquête. Les délais pour la production des rapports ne sont pas indépendants du processus d’enquête. Normalement, ils doivent être rendus publics en même temps qu’ils sont présentés au président des États-Unis.
Mesures proactives pour les entreprises :
- Étudiez les rapports avec vos conseillers dès leur publication.
- Consultez vos conseillers à propos des répercussions de ces rapports sur votre entreprise.
Peaufinez l’examen de votre chaîne commerciale afin d’intégrer des scénarios établis selon les recommandations contenues dans les rapports qui vous concernent.
Étape 3 : Consultation
Après avoir élaboré les mesures recommandées, le gouvernement des États-Unis pourrait consulter les groupes d’activités économiques. Les mesures recommandées pourraient nécessiter des consultations publiques spécifiques, ou des consultations pourraient être nécessaires à la suite de procédures judiciaires devant la Commission américaine du commerce international (l’« USITC »), un organisme indépendant spécialisé dans les politiques commerciales.
Il arrive parfois que des consultations publiques soient menées à l’étape de l’enquête et que l’analyse des réponses obtenues à la suite de ces consultations soit prise en considération dans le rapport d’enquête.
Échéancier anticipé :
Normalement, les consultations peuvent prendre entre quelques semaines et quelques mois, notamment pour la réception et l’analyse des réponses transmises par écrit. Habituellement, la période de consultation fait l’objet d’une annonce publique.
Exemples d’échéancier :
- Tarifs douaniers imposés à la Chine : Les consultations et les audiences devant l’USITC ont fait partie de la procédure d’enquête qui a duré sept mois. La première période de consultation a duré environ cinq semaines. Une période de consultation ultérieure, après la publication des mesures proposées par l’USTR dans le Registre fédéral, a duré environ sept semaines et visait à obtenir des commentaires spécifiques sur la liste des produits sur lesquels des tarifs douaniers de 25 % devaient être appliqués, désignée par la suite la « première liste ».
- Tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier : L’analyse des commentaires publics transmis par écrits et les audiences publiques devant le Bureau de l’industrie et de la sécurité (une agence du département du Commerce) ont fait partie de la procédure d’enquête qui a duré dix mois. La période de consultation a duré environ deux mois.
Mesures proactives pour les entreprises :
- Envisagez de participer aux consultations, de manière unilatérale ou en faisant partie du groupe d’activités économiques qui vous concerne
- Examinez les résultats des consultations avec vos conseillers
Étape 4 : Mesures législatives ou réglementaires
Après la période de consultation, le gouvernement des États-Unis peaufinera les mesures en tenant compte des commentaires recueillis et présentera une stratégie globale au Congrès.
Le Congrès doit normalement voter pour approuver les nouvelles taxes et autres montants à percevoir avant la date de leur entrée en vigueur, ce qui inclut les tarifs douaniers ainsi que d’autres tarifs analogues. Lorsque des motifs le justifient sur le plan législatif, les mesures réglementaires peuvent être accélérées au moyen d’une proclamation présidentielle.
L’exception est permise en cas d’urgence nationale. Le Congrès peut toujours s’opposer constitutionnellement à l’imposition de nouveaux tarifs douaniers, mais il ne peut les révoquer ou effectuer des rajustements qu’après leur entrée en vigueur.
Si des modifications d’ordre législatif sont nécessaires, elles doivent obtenir l’appui du Congrès. Les modifications à apporter aux accords commerciaux prendront probablement du temps au Congrès, mais leur mise en application pourrait avoir lieu quelques semaines après leur approbation.
Échéancier anticipé :
Pour cette étape, les délais varient considérablement et dépendent du mécanisme de mise en application.
Exemples d’échéancier :
- Tarifs douaniers imposés à la Chine : L’avis de détermination et les mesures proposées par l’USTR ont été publiés deux semaines après la première période de consultation. L’avis d’action a été publié sept semaines après la fin des consultations sur les mesures proposées.
- Tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier : La proclamation présidentielle pour l’entrée en vigueur des tarifs douaniers a été publiée dans le Registre fédéral environ sept semaines après la publication du rapport par le secrétaire du Commerce.
Mesures proactives pour les entreprises :
- Que ce soit de manière unilatérale ou en faisant partie du groupe d’activités économiques qui vous concerne, entreprenez des activités de lobbyisme auprès des fonctionnaires fédéraux américains, des fonctionnaires d’États et des membres du Congrès chargés d’approuver la législation afin de faire valoir clairement les retombées économiques et la proposition de valeur que votre entreprise apporte aux États-Unis.
Étape 5 : Date d’entrée en vigueur et procédure d’exclusion
La dernière étape consiste à déterminer la date d’entrée en vigueur de l’imposition des tarifs douaniers et à dresser la liste des produits qui en seront exclus.
Les États-Unis pourraient préciser la manière dont les entreprises d’importation peuvent présenter des demandes d’exclusion de ces tarifs. En général, les circonstances pour que ces exclusions soient accordées sont limitées.
Échéancier anticipé :
La date d’entrée en vigueur est généralement immédiate ou fixée aux jours qui suivent l’enregistrement officiel des mesures tarifaires. Normalement, les procédures d’exclusion sont publiées au même moment ou peu après, afin de permettre aux entreprises d’importation de demander des mesures d’allégement tarifaire.
Exemples d’échéancier :
- Tarifs douaniers imposés à la Chine : Sont entrés en vigueur 16 jours après l’enregistrement de la mesure tarifaire dans le Registre fédéral. La procédure d’exclusion avait été publiée cinq jours plus tôt.
- Tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier : Sont entrés en vigueur 15 jours après la proclamation présidentielle. La procédure d’exclusion a été annoncée cinq jours plus tard.
Mesures proactives pour les entreprises :
- Examinez les répercussions des nouveaux tarifs douaniers et des règles tarifaires qui s’y rattachent
- Actualisez la planification des scénarios en tenant compte de l’examen de votre chaîne commerciale
- Étudiez les mesures d’atténuation susceptibles de s’appliquer
Le contexte canadien
Le gouvernement fédéral du Canada a toujours déclaré que le Canada mettrait rapidement en œuvre des tarifs douaniers de représailles en réponse à l’imposition de tarifs douaniers par les États-Unis. En adoptant des mesures de représailles, le Canada vise à appliquer certains principes, notamment en imposant des tarifs ciblés et en essayant de limiter les répercussions douloureuses pour les entreprises du pays.
À l’heure actuelle, nous ne savons pas exactement comment ces tarifs de représailles seront mis en œuvre, bien que les délais fixés récemment pour la mise en œuvre de tarifs extraordinaires – connus au Canada sous le nom de surtaxes – donnent à penser qu’ils peuvent être mis en œuvre rapidement, en moins de deux mois. Il est important que les dirigeants d’entreprise soient conscients de la potentielle incidence de tarifs douaniers supplémentaires sur leurs résultats nets s’ils importent des biens des États-Unis ou s’ils se procurent des biens fabriqués aux États-Unis auprès de revendeurs ou de distributeurs canadiens.
Les options dont disposent les entreprises, notamment la réduction au minimum des coûts tarifaires, l’absorption des coûts tarifaires pour maintenir leur compétitivité ou la hausse des prix pour les clients afin de faire contrepoids aux tarifs, doivent toutes faire l’objet d’une évaluation dans le contexte propre à chaque entreprise.
Quelle devrait-être la réponse des dirigeants d’entreprise?
Les dirigeants d’entreprise doivent se préparer à faire preuve d’agilité et d’adaptabilité pendant cette période :
- Commencez par examiner le volume et la valeur en dollars des produits exportés aux États-Unis et importés des États-Unis. Ces données peuvent vous être utiles pour créer des modèles et procéder à l’analyse des contrecoups potentiels.
- Passez également en revue la liste des fournisseurs et des acheteurs, notamment les dépenses et recettes totales. Le repérage de l’emplacement de vos principaux clients pourrait être utile pour évaluer les effets potentiels des tarifs douaniers et constituer un point de départ pour la renégociation des engagements en matière de prix.
- Cette situation peut également créer de nouvelles occasions pour votre entreprise. En effet, vous pourriez trouver de nouvelles sources de production, ainsi que de nouveaux acheteurs pour vos produits, à mesure que les chaînes d’approvisionnement mondiales réagissent pour répondre aux défis découlant des décisions tarifaires du gouvernement des États-Unis, qui sont résumées dans le mémorandum.